En 1619, le domaine de Canisy est érigé en marquisat, consacrant l’ascension remarquable de la famille de Carbonnel au sein de la noblesse française. Cette reconnaissance officielle reflète l’influence croissante de la lignée, renforcée par un réseau d’alliances prestigieuses, notamment avec la maison des Matignon, illustre famille militaire et aristocratique. Ces unions affermissent durablement l’ancrage du château dans les cercles du pouvoir et les sphères de l’élite du royaume.

C’est sous l’autorité de René de Carbonnel (1589–1655) que le domaine accède effectivement à ce rang supérieur. Outre son titre de marquis de Canisy, il détient également ceux de baron du Hommet, de Courcy et de Marcé. Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, il est nommé gouverneur des villes et châteaux d’Avranches, puis lieutenant du roi dans le bailliage du Cotentin. René de Carbonnel se distingue par une brillante carrière militaire sous Louis XIII. Il participe activement à la guerre de Trente Ans, et lève à cette occasion son propre corps d’armée : le régiment de Canisy, qui sera décimé lors de la bataille de Thionville en 1639.

Son petit-fils, René II de Carbonnel (1650–1730), poursuit cette tradition d’engagement militaire et renforce le prestige familial. Il se distingue notamment durant la guerre de la Ligue d’Augsbourg, sauvant la ville de Granville d’une offensive anglaise, et affirmant ainsi la loyauté, le courage et l’utilité stratégique des seigneurs de Canisy dans la défense du royaume.

La vie au château reflète alors les idéaux esthétiques et culturels du Grand Siècle. Le parc, les jardins et les allées sont aménagés selon les principes de l’ordonnancement classique, combinant rigueur géométrique, symétrie savante et mise en scène monumentale. Ce goût pour l’harmonie et la grandeur témoigne de la volonté des maîtres des lieux d’inscrire Canisy dans les courants humanistes et artistiques du XVIIe siècle, où l’art de vivre devient vecteur de distinction sociale et de représentation du rang.

Dans la continuité des pratiques adoptées par les seigneurs de la cour des Valois-Angoulême depuis le milieu du XVIe siècle, Hervé de Carbonnel autorise une transformation architecturale majeure du château. L’architecte qu’il emploie perce les murailles et les tours d’angle d’ouvertures élégantes et accueillantes, ornées selon les canons venus d’Italie et adaptés au goût français par Philibert Delorme et ses disciples. Bossages rustiques, matériaux polychromes, jeux d’appareillage soignés : tout concourt à substituer à la rudesse du palais féodal une architecture plus agréable à l’œil, où le luxe, la lumière et la symétrie remplacent la fonction défensive.

Tel qu’il se présente vers 1610, le château de Canisy incarne pleinement l’esprit monumental et solennel de son époque. Le seigneur du lieu accentue encore cette majesté en traçant de vastes avenues rectilignes partant du château et se déployant dans la campagne environnante, selon les modèles alors en vogue dans les grandes résidences aristocratiques du royaume.