Canisy en Normandie médiéval
Dans ses origines les plus anciennes, Canisy semble avoir été un domaine royal. Selon la tradition, en 874, le roi Charles le Chauve (v. 823–877) aurait offert asile, dans son domaine de Canisy, à l’évêque de Nantes, Landran, dont la cité épiscopale venait d’être détruite par une expédition viking.
La Normandie du XIᵉ siècle est profondément marquée par la figure illustre de Guillaume le Conquérant (v. 1027–1087). C’est à cette époque charnière que remontent les origines du château de Canisy, lorsque Hugues de Carbonnel fit ériger une forteresse de type normand sur ces terres. Fidèle compagnon de Guillaume, Hugues prit part à la célèbre bataille d’Hastings en 1066, qui scella la domination normande sur le royaume d’Angleterre.
L’historien et archéologue Charles de Gerville, au XIXᵉ siècle, aurait identifié l’emplacement d’une ancienne motte féodale, située au bout d’une courte allée partant de l’actuelle demeure et menant vers la vallée où coule la petite rivière de la Joigne (à proximité de l’actuel enclos des chèvres naines). Ce site aurait porté le nom de « Château-Robert (ou Hubert) ». Bien qu’aucune trace de maçonnerie n’ait pu être relevée, Gerville observa un modelé du terrain suggérant l’existence d’un ancien « emplacement considérable ».
Grâce à l’une des grandes innovations administratives de Guillaume le Conquérant le Domesday Book (1085-1086), vaste recensement des terres, des ressources et des tenanciers – nous conservons aujourd’hui des traces précieuses de cette époque. Hugues de Carbonnel y figure comme tenant-in-chief, c’est-à-dire détenteur direct de terres octroyées par le roi, notamment dans le Herefordshire, selon les mentions du Falaise Roll.
Deux autres membres de la famille, Hubert et Harold de Carbonnel, prirent également part à la conquête. Hubert combattit aux côtés de Guillaume, tandis qu’Harold de Carbonnel, compagnon de Rollon, est cité dans certaines sources, tout comme un certain Monsieur de Gerville, également mentionné dans le sillage de cette épopée.
La lignée des Carbonnel demeura fidèle à l’esprit de croisade. Trente ans plus tard, en 1096, des descendants de la famille participèrent à une expédition en Terre sainte, sous la bannière du duc Robert Courteheuse, fils de Guillaume le Conquérant, dans le cadre de la première croisade contre les Sarrasins. En 1145, Henri de Carbonnel s’illustra à son tour lors de la deuxième croisade, menée sous les ordres du duc Geoffroy V d’Anjou.
En 1862, une liste commémorative fut installée dans l’église Notre-Dame de Dives-sur-Mer, lieu symbolique d’où partit l’expédition normande vers l’Angleterre. Cette liste, recensant les compagnons de Guillaume lors de la conquête, mentionne à la ligne 39 le nom des Carbonnel, témoignant ainsi de manière tangible de leur rôle dans cet épisode historique.
Au XIIIᵉ siècle, sous le règne de Philippe Auguste, Hubert de Carbonnel est attesté comme seigneur de Canisy à partir de 1245. La seigneurie demeurera dans la famille jusqu’en 1752.
Au XVe siècle, Guillaume de Carbonnel entreprend la reconstruction de la forteresse, alors en ruines après les destructions causées par les Anglais.
Malgré une résistance courageuse, il est contraint de capituler devant le duc de Gloucester, et ses biens sont confisqués. Toutefois, après l’expulsion des Anglais en 1450, il recouvre ses terres et ses titres.
