Le XIXe siècle s’ouvre par le retour des propriétaires au château de Canisy en 1803, marquant la fin de l’exil consécutif à la Révolution.

Gabriel de Kergorlay, restauré dans ses droits, entame une carrière politique remarquée sous la Restauration. Déjà conseiller général de Saint-Lô, il est élu député de la Manche en 1820, obtenant près des cinq huitièmes des suffrages du collège électoral départemental. En 1827, il est nommé pair de France, son titre reposant sur un majorat fondé sur le domaine de Canisy.

À la suite de son décès en 1830, son fils Florian Hervé de Kergorlay entreprend d’importants aménagements. Il fait redessiner les jardins dans un style paysager à l’anglaise, alors très en vogue, rompant ainsi avec la rigueur classique des siècles précédents. À l’intérieur, les pièces à vivre sont modernisées dans un esprit chaleureux et boisé : parquets, lambris et boiseries donnent au château une atmosphère plus intime, inspirée du confort britannique.

Florian de Kergorlay se distingue autant par ses choix esthétiques que par son engagement politique. Fidèle à ses convictions monarchistes, il rejoint le camp légitimiste à la suite de l’assassinat du duc de Berry, héritier de la branche aînée des Bourbons. Il soutient avec ferveur la duchesse de Berry, veuve endeuillée et mère du futur comte de Chambord, dernier représentant direct de cette lignée royale.
Mais la monarchie légitime vacille. Le règne de Charles X s’achève brutalement avec les journées révolutionnaires des 27, 28 et 29 juillet 1830, connues sous le nom de Trois Glorieuses, qui contraignent le roi à l’abdication au profit de son cousin Louis Philippe d’Orléans. Restés fidèles aux Bourbons, Florian de Kergorlay et son fils Louis sont alors poursuivis pour atteinte à la sûreté de l’État, dans un contexte où la loyauté monarchiste devient suspecte, voire subversive.

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Leur salut vient de l’intervention décisive de leur cousin Alexis de Tocqueville, éminent penseur libéral et homme d’État. Par son éloquence et son autorité morale, Tocqueville parvient à obtenir leur grâce. Cette proximité intellectuelle et familiale marque durablement Louis de Kergorlay, qui consacrera plus tard une étude littéraire à l’œuvre de Tocqueville, rendant hommage à une pensée alliant lucidité politique, engagement moral et exigence philosophique. Ainsi se consolide, au sein de cette lignée, l’alliance féconde entre tradition monarchique et héritage des Lumières.

Le château de Canisy incarne ainsi pleinement l’esprit du XIXe siècle, en alliant l’élan scientifique et technique de l’ère industrielle à un art de vivre empreint de romantisme.
Alexis de Tocqueville était le cousin germain de Louis et d’Hervé de Kergorlay, eux-mêmes cousins.

L’auteur de De la Démocratie en Amérique séjourna à plusieurs reprises au château de Canisy, propriété d’Hervé de Kergorlay. Il entretint cependant une relation plus étroite avec Louis de Kergorlay, avec qui il échangeait presque quotidiennement ses réflexions politiques.

 

Hervé de Kergorlay se fit connaître comme agronome éclairé, transformant son domaine en une exploitation agricole d’avant-garde. L’utilisation d’engrais et la mise en place de l’assolement septennal permirent au comte de multiplier presque par deux et demi les quantités de blé produites. Grâce à ces rendements accrus, les ouvriers agricoles du domaine purent bénéficier de salaires supérieurs à ceux versés dans les domaines voisins.