En 1730, la lignée masculine des Carbonnel s’éteint avec le décès du marquis Hervé II de Carbonnel de Canisy.
Son fils unique, également prénommé Hervé, meurt prématurément en 1689 à l’âge de dix-neuf ans. C’est donc sa fille qui hérite du marquisat. Par son mariage, le 2 septembre 1709, avec Antoine de Faudoas, elle introduit une nouvelle branche à la tête du domaine. Cette transmission, loin d’effacer l’héritage des Carbonnel, en prolonge l’esprit, les traditions et le prestige, assurant la continuité d’une demeure aristocratique au cœur de la Normandie.
En 1740, un incendie ravage deux ailes du château. À la suite de ce sinistre, d’importants travaux sont entrepris pour restaurer l’édifice. Si l’aménagement intérieur fut profondément remanié, l’ensemble architectural conserva son unité et sa puissance évocatrice. La cour d’honneur, désormais ouverte sur deux de ses faces, continue d’offrir une perspective harmonieuse sur le bâtiment principal, demeuré intact dans sa structure.
En juin 1761, messire Charles Antoine de Faudoas, chevalier de Saint Louis et lieutenant du roi au gouvernement de Basse Normandie, obtient de Sa Majesté le privilège d’adjoindre à son patronyme celui de sa terre, désormais désignée sous le nom de fief de Faudoas Canisy. Le château revient alors à Antoine de Faudoas à la suite du décès de sa tante, Catherine Éléonore de Carbonnel.
Son fils, Augustin de Faudoas, hérite du domaine et y connaît l’un des épisodes les plus tragiques de son existence. Le 15 juin 1794, en pleine Terreur révolutionnaire, les autorités jacobines arrêtent sa fille, Éléonore de Faudoas, sa tante Catherine Michelle de Canisy, ainsi que lui-même. Tous trois sont guillotinés le 14 juillet 1794, jour anniversaire de la prise de la Bastille. Le motif de leur condamnation repose sur une lettre adressée par Éléonore de Faudoas, dans laquelle elle écrivait que sa chienne avait donné naissance à cinq petits jacobins. Cette formulation fut interprétée comme une insulte à la majesté de la nation.
Le château échappe de peu à la confiscation. Grâce à l’habileté et à la loyauté du régisseur, qui sut gagner la confiance des autorités locales, le domaine n’est pas vendu comme bien national. Si plusieurs objets furent pillés, notamment les cadres des tableaux, les toiles représentant les ancêtres de la famille, jugées sans valeur marchande, restèrent en place et témoignent encore aujourd’hui de la continuité de la mémoire familiale.
La propriété revient alors à Justine de Faudoas, seconde fille d’Augustin, qui avait trouvé refuge en Italie avec son époux Gabriel de Kergorlay, officier de l’armée française. Justine de Faudoas était dame de compagnie de la comtesse de Provence, épouse du frère du roi. Le couple, très proche de la famille royale, s’était marié au palais des Tuileries en présence du roi et de la reine.
La famille de Kergorlay prend possession du château en 1794. Gabriel de Kergorlay, qui avait servi dans la cavalerie avant 1792, rejoint ensuite l’armée des Princes, une force contre révolutionnaire formée par les nobles exilés opposés à la Révolution.